Crédits

Ce n’est que très récemment que mon attention a été attirée par une présentation des graphiques à ondelettes (wavelet en anglais) proposés entre autres par REW. Je remercie Indien29 dont les messages sur le forum homecinema-fr ont attiré mon attention sur cette visualisation, ainsi que Patrick Thévenot dont les videos publiées sur le blog « devenir ingeson » de Nicolas Eschalier m’ont été d’une grande utilité pour interpréter ces graphiques. Un grand merci également à Jean-Marc Plantefève, fidèle relecteur, qui m’a aidé à approfondir le sujet et qui a « fabriqué » la réponse idéale que vous découvrirez dans l’article.

Il faut noter que cette représentation n’est pas propre à REW. Les professionnels du son comme Patrick Thévenot l’utilisent avec Clio, un logiciel professionnel assez coûteux. J’ai choisi de vous présenter la version proposée par REW parce-qu’elle est gratuite et donc facilement accessible pour les amateurs.

Le couplage des enceintes avec la pièce

Idéalement, il faudrait pouvoir disposer d’une pièce dédiée et traitée. Dans ces conditions, la mesure d’une enceinte effectuée depuis le point d’écoute devrait rester proche de la mesure faite en proximité.

Nous ne sommes pas tous égaux en matière de configuration de la pièce d’écoute. En général, on peut dire que plus la pièce est grande, mieux cela vaut. Le traitement acoustique de la pièce, quand on peut se le permettre, est évidemment un avantage indéniable. Il faut donc faire au mieux avec ce dont on dispose, et le graphique présenté ici va nous servir de guide pour mieux comprendre ce qui est en jeu.

La mesure

Je ne reviendrai pas sur le paramétrage de REW, considérant que les bases sont déjà connues du lecteur. On ne peut pas obtenir cette vue à partir d’une mesure en bruit rose. Il faut utiliser un Dirac, donc cliquer sur le bouton mesure de REW:

Figure 1

On obtiendra d’abord une vue classique de réponse en fréquence. Pour accéder à la représentation en ondelettes, il faut aller cliquer sur le bouton « spectrogramme » :

Figure 2

Si la référence de temps « loopback » n’est pas utilisée, la référence T0 semble prise sur les aigus.

Attention : on mesure une enceinte à la fois.

Présentation du graphique à ondelettes

Voici d’abord la référence, une simulation de réponse parfaite telle qu’on pourrait obtenir en réalisant la mesure d’une enceinte parfaitement linéaire dans une chambre sourde (Crédit Jean-Marc Plantefève):

Figure 3

En Y, on reconnait l’axe des fréquences, le grave en bas et les aigus en haut. En X, on trouve une échelle de temps. La troisième dimension nous est apportée par l’échelle de couleur, le rouge représentant les sons les plus forts.En Y, on reconnait l’axe des fréquences, le grave en bas et les aigus en haut.

Figure 4

La figure 4 montre le résultat d’une mesure qui a été réalisée au mois de mars 2020, avec deux caissons Magnat 380, et les enceintes principales à une trentaine de centimètres du mur arrière.

La mesure a été réalisée au point d’écoute, on voit que les fréquences aigues ne sont quasiment pas retardées, par contre, il en est tout autrement des fréquences graves, et on comprend tout de suite qu’on est bien loin du modèle théorique… A ce stade, on peut se demander si le cas n’est pas désespéré.

On peut s’étonner de trouver des valeurs très grandes sur l’axe X, comme 100 millisecondes. Cela représente quand même un décalage de 34 mètres ! Mais comment est-ce possible dans une pièce de 8 mètres de long ?

Ce phénomène est créé par les modes de la pièce, et la génération d’ondes stationnaires. Il existe dans la pièce des endroits où le mélange d’ondes directes et réfléchies ne produit plus d’énergie acoustique. On peut imaginer que l’onde rebondit sur les murs, notamment le mur du fond, et faute d’absorbant (il faudrait au moins 1 mètre de laine de roche derrière des panneaux flexibles), se promène dans la pièce comme un vaisseau fantôme, s’annulant à certains endroit, ou s’additionnant à d’autres.

Que recherche t-on ? Idéalement, on voudrait voir une couleur rouge homogène du grave à l’aigu, une sorte de triangle isocèle calé verticalement sur le même axe de temps, comme montré sur la figure 3. On voudrait aussi éviter les spots verts, bleus ou rouges qui nous font penser à des échos, annulations ou résonances du signal principal.

Et le waterfall ?

Cette représentation graphique est très populaire. Elle permet de se faire une idée de la réponse de la pièce.

Figure 5

Personnellement, je trouve ce graphique moins informatif (Le waterfall correspond au spectrogramme de la figure 7, même mesure).

Comment améliorer le résultat?

En dehors du traitement acoustique de la pièce, ne reste plus que la position des enceintes dans le local d’écoute.

La fusion du signal des enceintes avec la réponse de la pièce (le couplage) intervient aux fréquences graves inférieures à 200 ou 300 Hz.

Un système composé de satellites médium/aigu plus caisson de grave offre beaucoup plus de facilité pour gérer le problème. On commence à comprendre que, au vu des délais affichés sur le graphique, le calage du caisson de grave par rapport aux enceintes principales ne va pas se faire en alignant le début de l’impulsion de chaque haut-parleur…

Il faut trouver la meilleure place pour les enceintes principales, puis déplacer le ou les caissons de grave dans la pièce pour obtenir une fusion optimale avec la pièce et l’enceinte principale.

Pour cette nouvelle mesure (figure 7), je n’ai laissé qu’un seul sub en fonctionnement. Il est calé dans le coin de la pièce, derrière l’enceinte de droite (en rouge sur la figure 6). Il intervient à partir de 140 Hz. Par rapport à la mesure du mois de mars, les enceintes principales ont été avancées. Elles sont à environ 70 cm du mur arrière.

Figure 6
Figure 7

C’est déjà beaucoup mieux ! La fusion est bonne, jusqu’à 40 Hz ou les modes de la pièce ne sont pas compensés par le placement du caisson. L’énergie entre 60 Hz et les fréquences aigues est bien alignée sur le même axe temporel.

Essayons maintenant une autre configuration. Un seul sub à nouveau, mais situé à l’opposé de la mesure précédente, soit derrière le point d’écoute.

Figure 8
Figure 9

On commence à se rapprocher du modèle théorique… Mais on peut sans doute faire encore un peu mieux !

Un dernier point, déjà évoqué dans mon article sur la mise en oeuvre du caisson de grave. Le grave, en dessous de 200 Hz, a besoin d’être égalisé. Un DSP est absolument nécessaire pour optimiser le comportement des enceintes dans le grave.

Dans des articles précédents, j’ai d’ailleurs évoqué des méthodes de mesures de SPL moyennes dans le temps. Ici, on voit que le spectrogramme permet une décomposition énergétique (puissance en couleur ; temps en X ; énergie = puissance · temps). La puissance dans le grave varie suivant le « room gain« . 

Une différence à l’écoute?

On peut obtenir une courbe de réponse en fréquence très propre, sans prendre en compte l’aspect de la temporalité. Mais quand on arrive à obtenir une fusion correcte, l’impact à l’écoute dans le grave est saisissant. C’est l’effet de « kick » ou de « slam » que nous recherchons souvent en sélectionnant des électroniques ou des haut-parleurs coûteux, mais qui dépend d’abord d’une bonne mise en oeuvre. Le grave « rapide » dépend moins du haut-parleur ou de l’électronique qu’une bonne adaptation à la pièce d’écoute.

Conclusion

Il ne vous reste plus qu’à essayer vous-même, cette mesure est très simple à réaliser, et devrait vous aider à placer vos enceintes au meilleur endroit !

Enfin, n’oubliez pas, le résultat obtenu n’est valide que depuis le point d’écoute où vous avez fait la mesure. Si vous déplacez ce point (votre fauteuil ou canapé) il faut recommencer…

Enfin, je vous invite à jouer avec la mesure, mais en gardant un peu de recul par rapport aux résultats, car les conditions de mesure en environnement domestique sont loin d’être normalisées… In fine, écoutez le système, et retenez la configuration qui vous satisfait le plus !

Pour ceux qui veulent creuser le sujet