Perte d’audition et passion audiophile

Notre communauté est (malheureusement) majoritairement constituée d’une population de seniors. Nous nous disputons sur les performances mesurées de matėriels coûteux, et aimons  comparer et discuter nos expériences subjectives. Je parcours régulièrement quelques forums audiophiles, et je constate que le problème de la presbyacousie n’est quasiment jamais abordé.

La presbyacousie (destruction progressive des cellules ciliées) est liée à l’âge. Notre audition se dégrade, comme notre vue, et aussi vrai que nous ne pourrons pas éviter les cheveux blancs ou la calvitie, nous sommes aussi victime de presbyacousie. A noter qu’une perte acoustique dite « légère » provoque 20 à 40 db d’atténuation… Quand je pense à ma belle courbe au point d’écoute qui tient dans plus ou moins 5 db de 25 à 20000 Hz… Catastrophe !

https://www.inserm.fr/information-en-sante/dossiers-dinformation/troubles-de-laudition-surdites

A cette détérioration de l’audition liée à l’âge peuvent s’ajouter des facteurs aggravants tels que le patrimoine génétique ou des traumatismes liés à l’exposition au bruit. Si vous avez manipulé un marteau piqueur toute votre vie, ou si vous faisiez partie des forces spéciales en tant que tireur d’élite, il est probable que vous ne puissiez pas trop apprécier la finesse des aigus de votre cellule Lyra Atlas à 10 000 €…

Sans aller jusqu’au marteau piqueur, de nombreuses professions exposent l’individu au risque de perte auditive. Parmi les exemples paradoxaux, on peut citer les musiciens d’orchestre, certains ayant même porté plainte contre leur employeur. Ne confiez pas le réglage de votre chaîne à un musicien !

https://www.francemusique.fr/actualite-musicale/l-altiste-porte-plainte-contre-le-royal-opera-house-600

Le déni…

Certains lecteurs de cet article vont réagir en se disant « les autres, peut-être, mais pas moi ! Mon oreille est excellente, j’ai 70 balais et j’entends comme au premier jour ! J’ai fait un audiogramme, tout plat jusqu’à 15 000 Hz (l’audiogramme s’arrête en général à 8000 Hz).

Mais les faits sont têtus… et le déni n’y change rien. Le phénomène est plus ou moins accentué selon les individus, mais personne n’y échappe, y compris la communauté audiophile.

Crédit : « Site voyage au centre de l’audition » :

Placer le curseur sur l’image pour voir l’effet de la presbyacousie accélérée

Alors, pourquoi n’en parle t’on pas ? 

Je vous conseille la lecture de l’excellent livre de David Lodge, « La vie en sourdine »

Le livre de Lodge l’explique très bien : La surdité est une sorte de maladie honteuse. On va aider un aveugle à traverser la route, mais on va engueuler quelqu’un qui est un peu dur d’oreille parce qu’on est obligé de lui répéter trois fois la même chose ou parce qu’il écoute la télé trop fort !

La communauté audiophile est bien sûr beaucoup plus touchée que d’autres par ce tabou. Beaucoup des discussions ont pour objet des ressentis subjectifs, donc les malentendants seront évidemment exclus du cercle…

Y aura-t-il un coming-out des malentendants audiophiles ?

Peut-on être sourd et audiophile ?

Alors que j’étais jeune instructeur à l’aéro-club du Mans, je traînais assez souvent dans un magasin de HIFI (Hifi Maine) qui pendant quelques temps, a employé un jeune vendeur handicapé. Ce garçon, très sympathique, était un grand passionné de matériels audio. Il était de bon conseil, bien que portant une prothèse auditive. A l’époque, cette association de l’expertise audiophile avec la prothèse auditive ne cessait de m’interroger… 

On me dit souvent que j’ai une bonne oreille. Cette remarque fait moins référence à la performance de mes oreilles fatiguées qu’à mon cerveau et à ma culture audiophile. L’oreille s’éduque. Si vous avez 20 ans, une oreille parfaite, et que vous écoutez la musique en pianotant sur votre smartphone, vous entendrez moins de musique, moins de détails qu’un audiophile souffrant de presbyacousie habitué à une écoute attentive.

La perte auditive commence en général par les aigus. On perdra donc en premier l’appréciation des subtilités liées aux harmoniques aiguës. Heureusement, l’essentiel du spectre audio permettant d’apprécier une oeuvre est constitué de fréquences inférieures à 3000 Hz. Malgré tout, si on a conscience d’être victime d’une perte de perception des aigus, il faudra peut-être réfléchir à deux fois avant d’investir dans une paire de tweeters Onken…

Quelles solutions pour l’audiophile dur d’oreille ?

Option 1 : Ne rien changer à ses habitudes, apprécier la musique en privilégiant des conditions d’écoute attentive.  Le jour ou vous n’entendez plus les tweeters, vendez les ! Les médiums suivront le même chemin quelques années plus tard et vous finirez votre vie d’audiophile en écoutant tranquillement vos gros 38 cm en large bande !

Option 2 : Vous dépensez une petite fortune pour acheter un appareil auditif Audio Note Kondo 🙂 qui vous permet de redécouvrir vos oeuvres favorites (malheureusement l’appareil montré sur l’illustration n’est pas disponible pour l’instant…).

Plus sérieusement, je crois que le sujet mérite discussion, car nous sommes tous inévitablement touchés par cet affaiblissement de nos capacités auditives.

La musique occupe une place importante dans ma vie, et j’espère en profiter le plus longtemps possible. La technologie ne cessant de progresser, il serait intéressant de connaître le retour d’expérience d’audiophiles utilisant des aides auditives. Ces appareils sont-ils compatibles avec une écoute musicale de qualité ? J’en doute un peu mais, la question mérite un débat.