J’adore les usines, les ateliers, l’odeur de l’huile et les machines. A l’arrivée chez André, nous traversons des espaces encombrés de fours, de tours, de fraiseuses et partout, des copeaux de bronze.

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Le ton est donné, le lieu possède une âme et nous commençons à comprendre que nous allons vivre un moment exceptionnel. La fonderie est installée dans un petit village de Lorraine, et montre un mélange de procédés et machines traditionnels qui côtoient des machines à commande numérique de dernière génération.

usine

Bruno et Jean sont arrivés 15 minutes après nous, et nous avons suivi André jusqu’à la grande salle d’écoute qu’il a aménagée au-dessus d’un de ses ateliers. A côté de la salle, un espace de stockage pour les formes, des vestiaires, et une cuisine aménagée. Un refuge pour audiophile ! La découverte de la grande salle provoque un choc. C’est grand, et c’est beau. Le sol, sur toute la surface (probablement plus de 200 m²) est recouvert de plancher, un grand piano trône en majesté, et les enceintes sont tout simplement gigantesques…

repas

André a préparé une table, chacun a amené de quoi boire et manger et la réunion commence de manière plutôt festive ! Pour les amateurs d’analyses subjectives, Jean Hiraga nous a fait une démonstration étonnant de dégustation de vin, et café, dans des verres ou tasses traditionnelles, et des tasses spéciales ramenées du japon. Incroyable !

André est amateur de belles choses, et de vieux objets. Pendule 1C’est aussi un artisan hors pair. Il peut fabriquer des haut-parleurs de basse de 70 cm, de A jusqu’à Z, ou des tweeters ou encore réparer votre montre suisse et refabriquer les pièces usagées si nécessaire. Je n’ai jamais vu ailleurs un tel talent, associé à autant de modestie. Pendant nos agapes, nous avons écouté le système en musique de fond, et cette écoute à bas niveau a montré que le système était remarquablement bien équilibré, ce qui est assez rare pour un très gros système comme celui-là. Il s’agit d’un système unique… 3 voies, filtrage passif et alimenté par un amplificateur numérique intégré. Nous n’avons écouté que des fichiers.

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Le caisson de basse est d’origine Klangfilm, un original et une copie. Le haut-parleur est incroyable ! plus de 70 cm, un cône qui se prolonge en pointe, une bobine séparée du cône et une liaison mécanique démultipliée pour transmettre le mouvement de la bobine mobile au cône.

Comme pour le caisson, André n’a trouvé qu’un exemplaire de ce haut-parleur extrêmement rare. Qu’à cela ne tienne, il s’est lancé dans la fabrication d’un deuxième exemplaire ! Saladier en fonte d’alu, cône en carton, suspension en peau de chamois, châssis, bobine…  La photo ci-dessus montre le haut-parleur d’origine en situation, les deux suivantes des éléments de la copie.

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André est assisté par son fils, jeune ingénieur qui semble vouloir prendre la suite de son père à la tête de l’entreprise. Féru d’informatique, il a aidé André en réalisant des modèle 3D des différents éléments. Le résultat est superbe et le travail réalisé est colossal !

La partie médium est prise en charge par des pavillons multicellulaires RCA achetés à Roger. Ils sont en cartons, paroi double amortie. En termes de dimension, on doit être proche des pavillons Altec 1503. Ils sont équipés de deux moteurs à excitation, extrêmement rares et qui ressemblent à des Lansing 284. On notera que les capots ont été retirés. Le haut-parleur de grave est laissé lui aussi sans charge arrière.

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L’aigu est confié au superbe tweeter conçu et fabriqué par André. Il est alimenté en 18 volts afin d’assurer un rendement suffisant pour compléter le médium et ses deux moteurs.

Le tweeter a été équipé par précaution, d’un radiateur qui en pratique ne s’est pas avéré nécessaire.

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Difficile de s’y retrouver dans le filtrage où les pinces à linges se disputent avec les pinces crocodile, mais il semble s’agir d’un 6db, avec une correction RLC pour linéariser la réponse du médium qui monte assez haut. La gamme couverte par le pavillon médium semble très étendue, entre 250 et 7000 Hz.

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A côté de l’impressionnante configuration des haut-parleurs, on est un peu surpris de découvrir une électronique chinoise numérique pour alimenté tout ça, surtout quand on a vu les trésors cachés dans la cave d’André… Mais comme on va le voir plus tard, ça marche !

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L’image ci-dessus montre une enceinte complète. Chaque enceinte fait environ 4 mètres de large. Ci-dessous, la vue d’ensemble.

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La salle est immense et on écoute dans le sens de la largeur, ce qui laisse entre les enceintes et l’auditeur une distance respectable… Les enceintes sont suspendues à la charpente, et lestées grâce à l’ajout de masses placées pour amortir les vibrations des parois qui, comme nous allons le voir, sont très sollicitées par le haut-parleur géant ! Du coup, la géométrie de la charpente impose des contraintes, et les enceintes sont très éloignées l’une de l’autre. Pour compenser, les pavillons et tweeters sont orientés vers l’intérieur.

Et l’écoute ? J’ai écouté plusieurs très gros systèmes, et je sais qu’il est très difficile de les faire bien fonctionner… C’est souvent spectaculaire, mais pas toujours musical. Ici, André semble pouvoir réussir son pari. Un système géant, une salle énorme, 3 voies filtré en passif et déjà, une cohérence étonnante, une excellente fusion des voies. J’ai particulièrement apprécié le système quand nous avons écouté à bas niveau. Evidemment, les auditeurs sont vite tentés par le spectaculaire, et de forcer un peu sur le niveau. On peut atteindre ici des pressions acoustiques très élevées et j’ai dû me protéger les oreilles à quelques reprises, mais il faut avouer que l’écoute des coups de timbales dans l’Oiseau de Feu dirigé par Antal Dorati était incroyable ! vraiment équivalent à ce qu’on pourrait entendre au concert, des basses dantesques !

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Le point d’écoute est confortable, mais proche de la cloison arrière et des vitrages, qui peuvent être isolés grâce à des rideaux acoustiques.

Comme beaucoup de très gros systèmes, on a du mal à « voir » une scène sonore réaliste. L’écartement très important des enceintes, et le retour de l’onde arrière doivent probablement être en partie responsables, et ce point pourra certainement être améliorer dans le temps. Personnellement, je pense que le système mériterait d’être « dégusté » avec des niveaux sonores plus faibles, mais il s’agit évidemment d’une opinion personnelle…

Finalement, André nous a proposé de descendre à « la cave » pour découvrir son deuxième système.

La caverne d’Ali Baba

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Il s’agit du garage de la maison d’habitation, dans lequel André a réussi à faire rentrer au chausse pied deux magnifiques pavillons 15A (en fait 15B je crois, car équipés chacun de deux moteurs 555).555

Entre les deux pavillons, deux HP de 46 cm à excitation, tournés vers le mur. Les aigus sont confiés aux tweeters Klein, comme pour le gros système. Au centre, un ange veille au bon fonctionnement du système….

15B

Le garage est rempli de pièces de collection, toutes sortes d’électroniques à tubes rares… Pourtant, nous écouterons du vinyle, mais sur des électroniques à transistor.

Platine studio

Là aussi, le filtrage est passif, et la photo  suivante montre que la réalisation est faite dans le même esprit que pour le système principal. Le néophyte aura un peu de mal à s’y retrouver…

Les composants, comme on peut le voir, sont généreusement dimensionnés

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Dans ce cabinet des curiosités, la platine tourne disque conçue et fabriquée par André mérite le détour. Je n’avais encore jamais rien vu de comparable…

Le bras que nous avons utilisé est le Viv-Lab, à la géométrie non conventionnelle, qui est lesté grâce à une masse importante directement posée dessus. La cellule est une DL-103 Pro, qui est à mon avis la meilleure des DL-103. Le pré-pré est intégré dans le préampli à transistor. Le grand bras genre « Grace » uni pivot n’a pas été utilisé. Il est normalement réservé à l’écoute de disques monophoniques. Comme on peut s’y attendre, l’écoute de ce genre de système n’a rien à voir avec le précédent…. Il s’agit à nouveau d’un système d’exception. Je pense qu’il est extrêmement rare de pouvoir écouter deux systèmes de ce calibre au même endroit.

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André, le génie de ces lieux, sort de sa lampe pour nous faire écouter des raretés de sa collection de vinyles. La sélection montre les goûts éclectiques de André. On est passé de Chet Baker à Brigitte bardot, avec toute la gamme de ce que l’on peut imaginer entre ces deux extrêmes.

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Bruno a préféré l’écoute du garage à celle du gros système, principalement à cause du vinyle.  J’ai préféré l’écoute des Klangfilm, à cause du potentiel, de la définition et de l’impact du système. Je ne suis pas amateur de 15A, et ceci explique sans doute cela, mais je dois admettre que cette mise en œuvre est la plus satisfaisante de ce que j’ai écouté jusqu’à présent.

En si bonne compagnie, et dans un tel endroit, le temps est passé très vite… Nous avons diné près du grand auditorium, partageant la nourriture que chacun avait amené, des huitres, du foie gras, du saumon mariné à la bergamote préparé par André, une andouille de Lille formidable (merci Jean), des bûches de Noël, du Champagne, de bons vins, quel moment !

André a remis le grand système en route pour que nous puissions en profiter une dernière fois avant de prendre le chemin de l’hôtel, situé à côté de l’église, qui a sonné tous les quarts d’heure jusqu’à mâtine (7 heures) où nous avons eu droit à un festival de carillon !

Nous avons repris la route sous la neige en laissant André à sa musique. 4h30 de route difficile au lieu de 3, de nombreux bouchons et accrochages mais qu’importe, cela valait la peine. Ce bon moment restera dans nos mémoires comme un très bon souvenir.

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Mille mercis à André pour son accueil, sa gentillesse et surtout, toute mon admiration pour le travail qu’il réalise. Chapeau l’artiste !