Il arrive un moment, dans le long et laborieux processus de mise au point d’un système audiophile, ou l’expérimentateur, sorte d’aventurier de la phase perdue, doit sortir de son isolement pour vérifier qu’il ne s’est pas laissé abuser par ses sens et que les mois d’efforts et de tâtonnements, d’espoirs et de doutes, ne l’ont pas conduit dans une impasse.

Vient donc ce moment fatidique où le rendez vous est pris avec « l’ami audiophile ». Vous avez réglé le système aux petits oignons, vérifié à nouveau les mesures et passé des heures à préparer une playlist de vos meilleurs morceaux. Votre épouse s’est plongée dans ses livres de recettes, s’est procuré les produits les plus frais et les meilleurs vins. La chambre d’amis est prête.

Evidemment, Cologne n’est pas la porte à côté, et le copain doit faire quatre heures de route. Rendez vous est pris à 19h00. A 19h30, le gars vous appelle, et vous découvrez que bien que nous soyons en 2018, il n’a pas de GPS, il est perdu, ne sait pas s’il est en Belgique, en France, ou en Allemagne… Grâce à votre téléguidage, il arrive finalement à la maison à 21h30. A ce stade, votre épouse est un brin agacée…

Il est trop tard et les écoutes sérieuses sont remises au lendemain, mais à ce stade, un début d’inquiétude s’installe. L’ami audiophile n’est pas venu les mains vides (je ne parle pas de la bouteille de Champagne). Son coffre est plein ! Il a dû déménager la moitié de son système … On trouve un DAC, un ampli, un PC portable, des câbles de toute sorte et une grande partie de sa discothèque.

C’est samedi et nous sommes installés dans le canapé pour le début des écoutes. Vous aurez certainement remarqué mon air un peu « crispé/tendu » … C’est qu’il devient apparent, dès les premiers commentaires, que l’ami audiophile est venu non pas pour écouter ou apprécier votre système, mais pour apporter son grain de sel dans les réglages que vous avez peaufinés depuis des mois. Peu importe les mesures et les heures d’écoutes, le grand chambardement commence… Entre chaque disque, on bouge les enceintes, on inverse les prises de courant, on change les câbles de liaison, on remplace le DAC, on essaye un autre amplificateur… le système est méconnaissable.

Le copain, lui, est ravi, et insiste à grand renfort de superlatifs sur les supposés bienfaits des changements qu’il vient d’opérer sur le système.

L’apex de ce grand moment arrive quand l’ami audiophile, satisfait des résultats obtenus, décide de passer ses meilleurs morceaux.

Vous ne le saviez pas, mais vous le découvrez maintenant. Derrière un aspect bonhomme et plutôt rangé des voitures se cache dans cet ami audiophile un amateur de hard rock et de heavy métal…

L’expérience est intéressante mais assez traumatisante pour un amateur de Schubert. Il n’est pas exagéré de dire qu’à ce stade, votre système est méconnaissable. Vos oreilles bourdonnent un peu et un début de migraine bat une mesure de 5/4 dans vos tempes. Vous vous sentez un poil nauséeux, parce que vous avez trop picolé depuis la veille et parce que votre système vous déchire les tympans.

Votre épouse est partie promener le chien et pour une fois, vous regrettez de ne pas être avec eux, on sent comme une ambiance de Bérézina…

C’est l’heure ou l’ami audiophile reprend la route. Il ne fait aucun commentaire positif sur votre système, mais ne tarit pas d’éloge sur la cuisine de votre épouse. La porte se referme et vous ressentez tout à coup une grande lassitude. Le salon ressemble à un champ de bataille, il faut essayer de tout remettre en place, mais en même temps, vous avez envie de bazarder tout le système…

Quelques semaines plus tard, le traumatisme s’est estompé, vous avez repris votre quête et de cette expérience réussi à séparer le bon grain de l’ivraie. Finalement, faire venir les copains apporte toujours quelque chose, mais il y a un prix à payer ! 😊