Par Jean-Marie Willigens

Le « Phonocapteur »

La lecture d’un microsillon se fait par un transducteur qui transforme la modulation gravée sur le disque en une modulation électrique. On parle aussi de « tête de lecture » puisque ce transducteur est fixé au bout d’un bras, qui en permet le déplacement à peu près selon la même géométrie que celle du burin de gravure. On parle aussi, pour les phonocapteurs de qualité, de cellule.

AVERTISSEMENT  : Les phonocapteurs piezo ou céramique, les plus répandus du temps des électrophones, n’entrent pas dans cette catégorie. Leur principe de fonctionnement, qui repose sur le signal piezoélectrique que génère la déformation mécanique d’un élément sur lequel l’aiguille de lecture appuie par l’intermédiaire de son levier, implique des forces d’appui, des efforts mécaniques, et des distorsions tous peu compatibles avec la bonne santé des sillons, et les normes haute-fidélité.

Dans la mesure du possible ne mettez donc jamais vos gravures de valeur sous la pointe d’un électrophone.

Les familles magnétiques

Des principes de transduction permettant une restitution haute-fidélité ne subsistent pratiquement aujourd’hui que les deux variantes du principe électromagnétique. Il y eut également des transducteurs photoélectriques et des transducteurs électrostatiques, dits aussi à condensateur. Ces architectures exotiques, qui furent la spécialité, entre autres, de Stax et Toshiba, ont malheureusement été abandonnées*, malgré des qualités sonores longtemps inégalées. Ceci faute de standardisation et surtout parce qu’elles réclamaient une alimentation/polarisation spécifique, tout comme les très rares cellules à jauge de contrainte.[1]

Le principe électromagnétique repose sur le courant électrique que génère le déplacement relatif d’un champ magnétique (aimant) et d’un conducteur (bobine).

La Cellule MM (Miam Miam?)

La première variante en est la cellule à aimant(s) mobile(s), ou MM, pour « moving magnet ».

Les aimants (deux pour une gravure stéréo) y sont fixés au levier porte-pointe et subissent ainsi les mouvements du diamant pendant la lecture. Leur déplacement se fait vis à vis d’un enroulement de bobine à l’intérieur du corps de la cellule, et donc fixe.

Cette architecture offre l’avantage que l’équipage mobile (diamant, levier et aimants fixés à ce dernier) est généralement remplaçable. La taille de la bobine n’y est par ailleurs pas limitée par des considérations de poids de cet équipage mobile, ce qui permet de loger un nombre de spires suffisant pour assurer un niveau de signal électrique de l’ordre de 2 à 5 mV

La Cellule MC

Dans la cellule à bobine(s)  mobile(s) -dite aussi MC, pour « moving coil »- les deux enroulements sont fixés au levier porte-pointe et se déplacent avec lui vis à vis d’aimants fixés au corps de la cellule. Le principal inconvénient découle de ce que le circuit électrique inclut nécessairement une liaison entre le corps de la cellule et l’équipage mobile.

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Ce dernier n’est donc généralement pas remplaçable par l’utilisateur. Par ailleurs, et pour limiter ses masses en mouvement, la taille de la bobine et son nombre de spires et donc le niveau de signal électrique sont obligatoirement plus faibles que dans une cellule MM: Le signal  d’une cellule MC classique se situe typiquement entre 0,3 à 0,6mV, avec quelques modèles Ortofon sortant moins de 0,1mV, il est donc en gros dix fois plus faible!
On a cherché à pallier cet inconvénient, par exemple en « dopant » les champs magnétiques mis en oeuvre avec des aimants plus puissants.
Mais parfois trop! Au point que certaines cellules MC présentent une forte et dangereuse affinité pour toute pièce métallique qui ne serait pas amagnétique (pincette, tournevis, pèse-cellule, voire même plateau en acier de la platine).

Avertissement: Ne pas approcher votre cellule MC, surtout neuve, d’objets métalliques qui pourraient s’avérer contondants sous l’effet d’une brusque attraction magnétique!

On a aussi mis au point d’autres techniques, par exemple en affinant celle du bobinage, ce qui permet à un certain nombre de constructeurs, par exemple Benz et Dynavector, de proposer comme option des versions de leurs cellules MC à haut niveau de sortie (typiquement 1 à 2 mV), pouvant se raccorder á toute entrée MM de préamplificateur, et d’une qualité sonore quasi-indifférenciable de celles à bas niveau.

Les MM Qui Veulent Pas Dire Leur Nom

Pour être complet, mentionnons la présence d’une architecture dérivée du principe électromagnétique, développée tant pour pallier les inconvénients des principes MM ou MC que pour contourner des brevets: Celle du shunt magnétique, chère à Grado (et retenue pour l’essentiel de sa gamme) chez qui elle est désignée « moving iron ».
Les aimants et bobines y sont fixes, la modulation étant générée par le déplacement devant eux d’une pièce polaire (fer doux) fixée au levier porte-pointe. Sans doute plus pour des raisons de brevets ou de trade-mark, car elles sont très voisines, une solution voisine du « moving iron », fut proposée par Ortofon sous une appellation différente: Le procédé VMS, pour « Variable magnetic shunt ».
Dans la même catégorie est à classer le système MMC, d’origine Bang & Olufsen. L’acronyme n’a rien à voir avec moving coil, mais vient de « moving micro cross« , reflétant que la pièce de fer doux interagissant avec aimants et bobines fixes est cruciforme et de taille très réduite, permettant un très sensible allégement de l’équipage mobile. Apparus parmi les premiers en Europe, les phonocapteurs B&O restèrent certes limités à équiper les platines de la maison et leurs bras tout à fait spécifiques, mais l’Américain Soundsmith en a repris la fabrication après que B&O ait arrêté, et propose aujourd’hui des cellules MMC compatibles avec pratiquement tous les bras.

Pointes: Je Vous La Taille Comment? Conique, Elliptique, Exotique?

Si nos grands-parents pouvaient presque se tailler des allumettes pour en faire des aiguilles de phonographe, au moins deux (r)évolutions survenues entre-temps requièrent du vinyliste les plus grands soins dans le choix de son phonolecteur:

La venue du microsillon, dès 1950, a normalisé la largeur de sillon disponible, de l’ordre de 0,075mm (minimum de 0,040).

Celle de la gravure stéréo, à partir de 1957, l’utilisation d’un sillon dont les deux flancs, formant un angle de 90% portent respectivement les modulations droite et gauche (procédé X de Westrex).

sillons2.JPG

Les premières pointes de stylet étaient sphériques/coniques. Mais comme la vitesse de lecture et la bande passante exigée requéraient pour le rayon des « zigzags » que pouvait comporter le sillon une valeur inférieure à sa largeur, une pointe conique était soumise à un effet de pincement (pinch) facteur de distorsions. Tout  comme une bille qui tiendrait dans le « V » d’une encoche serait bloquée par un virage trop serré de cette encoche et contrainte à « remonter » à une hauteur où la largeur du V soit suffisante.

Analogies Automobiles

Pour reprendre une autre analogie, automobile celle-là, et tout comme le rayon de braquage d’une automobile est inversement proportionnel à son empattement (une voiture courte s’inscrit mieux en courbe), on en est arrivé, pour « réduire l’empattement » de la pointe et faciliter son suivi des méandres du sillon, à retenir une forme elliptique, avec un grand axe perpendiculaire à celui du sillon: La pointe se mit à ressembler à une amande: Rien devant, rien derrière, tout dans les flancs!

Image Soundsmith. Sillon en début de disque,
la pointe sphérique « déborde » déjà.
la pointe elliptique s’inscrit fidèlement dans le sillon

C’est alors que survint une troisième « révolution », mais sans doute trop révolutionnaire puisqu’elle fit  long feu, celle de la tétraphonie, pour laquelle une des solutions techniques proposées (CD4) constituait à surimposer au signal stéréo un signal pour les canaux « arrière » encodé entre 20 et 40 khz.
Les cellulistes firent donc de nouveaux et gros efforts pour développer des tailles qui permettraient une lecture au delà des 20khz, en l’on vit arriver les tailles dites hyperelliptiques, telle la Shibata, sa voisine Pramanik (B&O) ou la Stereohedron (Stanton), où le profil de l’amande ressemblait de plus en plus à une lame de couteau.

https://www.sound-smith.com/sites/default/files/aroundthebendradiusend.gif
Image Soundsmith. Sillon en fin de disque, modulation
fortement rétrécie de ce fait la pointe elliptique, à gauche,
ne suit plus fidèlement la modulation gravée.

Avec comme conséquence que le couteau, trop acéré, pouvait parfois tailler dans les flancs du sillon pour en enlever de la matière: Les premières tailles van den Hul furent particulièrement redoutées pour leur propension à se transformer en burin au plus minime désaxement!

Vingt cinq ans plus tard, même van den Hul en est revenu à des tailles légèrement moins agressives, mais si les géométries de taille hyperelliptique se sont rapprochées,  il est devenu très difficile de s’y retrouver dans les différentes dénominations ou marques déposées utilisées par les constructeurs: Rien qu’Ortofon en propose au moins sept différentes, certaines déclinées dans différentes dimensions. La plus élaborée, tout au moins celle proposée sur les modèles les plus coûteux, semble être la taille « Replicant » propre à la maison, suivie par la Shibata (que l’on prétendait un temps dépassée), la FG (Fritz Geiger), la Fine line, l’Ortoline et la simple elliptique.
Chez d’autres, on trouve des tailles VdH, super fineline, Trigon, MicroRidge ou microline, et bien d’autres, toutes plus ou moins inspirées des travaux fondamentaux de Weinz (taille Paroc).

En plus de lire avec plus de précision les sinuosités du sillon, ces formes de tailles élaborées apportent l’avantage d’une plus grande surface de contact entre les flancs du diamant et ceux du sillon. En témoigne cette image, comparant, en vue de face, une taille elliptique avec une taille plus élaborée: ici – dans ce document d’origine B&O- a été retenue une taille Pramanik.

On réalise que, à force d’appui identique, les forces de frottement du diamant de droite seront réparties sur une surface de contact sensiblement plus grande, ce qui ne peut que contribuer à réduire l’usure respective du diamant et du disque.

De fait les calculs – compliqués puisqu’ils doivent prendre en compte tous les autres paramètres géométriques de la taille étudiée – font ressortir des rapports allant de un à trois dans les surfaces de contact, avec des valeurs entre 20 et 25 µm² pour les tailles conique ou simple elliptique et des valeurs dépassant 60 µm² pour les variantes les plus élaborées.

On retrouve une hiérarchie voisine en matière d’usure du diamant.
C’est ainsi que selon le « diamantaire » nippon Jico – certainement juge et parti car fournisseur de diamants de rechange, en particulier pour les célèbres cellules Shure – le nombre d’heures de lecture à partir duquel la cellule commencerait à « sortir des clous » en matière de distorsion du seul fait de l’usure des flancs du stylet serait de:

  • pointe sphérique/conique: 150 heures
  • pointe elliptique:  250 heures
  • pointe Shibata ou similaire: 400 heures
  • pointe microridge/SAS (Jico): 500 heures

Nota bene  
Outre qu’il tient certainement du playdoyer pro domo, la taille SAS étant une exclusivité  Jico , ce tableau ne tient compte que du seuil à partir duquel la distorsion deviendrait mesurable.  Elle ne devient généralement perceptible et une détérioration du disque du fait de l’usure du diamant qui le lit n’est à craindre qu’à partir de valeurs sensiblement plus élevées: On admet généralement au moins cinq cents heures pour une pointe conique et plus de mille heures pour une taille du genre Shibata.
Jan Allaerts fait même état de plus de trois mille heures pour ses cellules, atteintes sans doute avec une cellule et un bras parfaitement ajustés et lisant des disques régulièrement lavés. Et il n’y a pas que la seule taille: Le soin apporté à choisir la pierre et son orientation cristalline, et le polissage après taille, comptent souvent tout autant dans la performance sonore et son maintien dans le temps que la seule forme de taille.

Si la géométrie de taille de la pointe qui plonge dans le sillon est déterminante, d’autres éléments influent sur la lecture et la tenue mécanique de l’équipage mobile. On distingue par exemple

  1. les « diamants » qui se réduisent à une pierre à peine visible enchassée, voire simplement collée au bout d’un cône ou batonnet d’une matière moins noble (titane, acier, saphir), dits « bonded tip » et
  2. ceux où pointe et batonnet  sont constitués d’un seul diamant (diamant nu), de plus grande longueur et donc nettement plus coûteux.

L’une et l’autre version peuvent être fixées au levier porte-pointe par collage ou enchassées dans ce dernier, solution longtemps garante d’une meilleure tenue.

Et l’on distingue encore différentes formes et matériaux pour le levier porte-pointe: Aluminium, beryllium, bore, voire même, ici aussi, le saphir, le rubis ou le diamant  introduits par Dynavector mais depuis retenus par d’autres.

Chacun a enfin ses autres secrets. Le Belge Jan Allaerts est ainsi très fier, si l’on en croit son distributeur pour l’Allemagne, d’avoir récupéré, avant que l’entrepôt ne brûle, les dernières balles d’un caoutchoux ancien, de l’époque d’avant que la pollution généralisée n’aille contaminer jusqu’aux hévéas les plus reculés et changer les caractéristiques élastiques de leur jus, le rendant dorénavant impropre à l’amortissement des leviers cantilevers. A ceci,  Clearaudio répond par un montage de ses bobines qui dispenserait de cet amortissement…

Le cantilever est-il meilleur quand il est rose (rubis)? Ou quand il est gris (bore)?

Va savoir… Certaines des cellules les plus prestigieuses se contentent d’aluminium!

Retenons cependant au moins deux critères pour guider un choix:

On préfèrera au diamant conique un diamant hyper-elliptique, la seule exception pour confirmer cette règle étant la Denon DL-103, dont les autres qualités font oublier sa taille grossière.

On préférera au diamant « bonded » un diamant nu.

Compatibilité Des Cellules

Compatibilité Mécanique Cellule/Bras, Où L’on Parle De Compliance

Les problèmes de compatibilité des cellules ont rempli des pages à l’époque où les revues de hi-fi les faisaient régulièrement passer au banc d’essais. S’ils ont un peu perdu de leur acuité, ce n’est pas parce que les rédactions ignorent le vinyle depuis bientôt vingt ans, mais parce que les grandes options en matière de lecture ont arrêté de diverger, pour même se rapprocher.

La divergence venait de ce qu’une majorité des constructeurs retenait alors pour principal critère la « trackability », c’est à dire la capacité pour le diamant d’explorer correctement la plus fine et la plus abrupte des déviations du sillon. On testait cela sur les redoutables canons de l’Ouverture 1812, par ailleurs d’un très médiocre intérêt musical, enregistrés en PCM, ce qui était présenté comme le summum de la dynamique à graver.

Une des options pour atteindre les valeurs requises, au delà de 100 mm/sec.  (plus de 200 gravés sur le Telarc 1812), était de suivre l’exemple de la 2CV, dont les roues suivent fidèlement tous les terrains, et donc de tout alléger et de combiner avec une suspension très souple de l’équipage mobile, la souplesse étant mesurée par la compliance de l’ensemble.

Tout comme la combinaison d’un ressort et d’une masse qui y est suspendue « résonne » à une certaine fréquence, la combinaison d’une « compliance » de cellule et de la masse que représente l’ensemble cellule/bras « vu » par le diamant conduit à une certaine  fréquence de résonance. Or il importait que cette fréquence diffère de celle avec laquelle d’éventuels défauts de planéité du disque ou des ronronnements de moteur, voire même un signal gravé sur le disque, pourraient venir exciter l’équipage mobile, faute de quoi ces défauts auraient été amplifiés au point de perturber, et à l’extrême interrompre, la lecture en propulsant le diamant hors du sillon.

Pour résumer de savantes formules et des calculs fastidieux, on retiendra qu’une cellule de forte compliance requiert un bras léger ou très léger (exemples typiques: Le Mayware Formula, le Hadcock ou le SME 3009 III), 

SME-III.JPG

tandis qu’une cellule de faible compliance, donc à suspension « dure », requiert un bras deux à trois fois plus lourd, dont l’exemple extrême est représenté par les Fidelity Research.

L’arrivée du CD a stoppé abruptement la quête aux records de trackability. A quoi bon « sortir » les canons de 1812, puisque le CD le faisait prétendument bien mieux ? La lecture analogique, vite abandonnée des masses, et pour laquelle les constructeurs ne proposaient plus guère de nouveautés, se retrouva donc affaire d’amateurs nostalgiques  Et ils développèrent une préférence marquée, entre autres «valeurs sûres», pour les cellules MC, tant celles, d’origine « pro », déjà considérées comme « classiques » telle la TSD 15 (EMT), la SPU (Ortofon) ou la DL-103 (Denon) – toutes « dures » (gros aimants>cellule lourde>compliance faible!)- que les dérivées de compliance généralement « mi-dure » qu’en développèrent des artisans nippons ou bataves.

Vingt ans plus tard, on peut parler d’une quasi-standardisation en matière de compliance, entre des valeurs de 10 à 16 pour les MC, de 15 à 20 pour les cellules MM, avec de rares exceptions en deçà (la DL-103 à moins de 8) comme au delà (la majorité des Grado, la Shure V15, remplacée depuis par une  M97 déjà moins souple…quelques MC). 

Les constructeurs de bras ont suivi le mouvement. SME a abandonné son Type III ultra-léger pour proposer des bras de masse « moyenne », adaptés à la nouvelle « compliance moyenne » des cellules du marché, choix également retenu par Rega pour son RB-300 ou Linn pour l’Ittok et l’Ekos.

Si cette évolution simplifie les choix de l’amateur, qu’il sache que certaines cellules MC transmettent une énergie considérable au bras auquel elles sont fixées. Il importe donc que le bras, son tube et ses articulations, voire même la fixation du contre-poids, soient conçus de manière à contrôler le plus parfaitement possible la dissipation de cette énergie. Ce qui ne va pas sans des matériaux de haute technologie (carbone), des formes difficiles à forger ou mouler, ou des roulements de qualité horlogère, ce qui renchérit fortement l’addition…
Qu’il note aussi que l’on peut réduire les phénomènes de résonance parasite en amortissant les mouvements du bras, généralement au moyen d’une « pagaie »  trempant dans une coupelle remplie d’huile de silicone.
On distingue une telle coupelle sur l’illustration montrant le bras SME3009

C’est Trop Simple, Vous Voulez La Formule?

Et à ceux qui veulent goûter des combinaisons hors de ce qui est devenu le « compliancement correct », le diagramme présenté ci-dessous permettra de vérifier que la fréquence de résonance qui résulte de la combinaison entre compliance de leur cellule et masse effective de l’ensemble bras + cellule reste à l’intérieur de la bande où elle ne prête pas trop à conséquence, c’est à dire en gros entre 7 et 13 hertz, de préférence entre 8 et 12 Hz.

click to enlarge

On y voit par exemple qu’une cellule de compliance 10, donc peu souple, aura en association avec un bras léger (masse effective totale de 10 grammes) une fréquence de résonance de 16 hz, et pourrait ainsi avoir du mal à bien lire cette fréquence sur les rares disques où elle est gravée.
Une cellule de compliance 20, en revanche, n’aura guère de problèmes.

Il conviendra, comme toujours, de vérifier à l’écoute, car si la courbe du diagramme est mathématiquement correcte, les valeurs à y prendre en compte ne sont pas forcément justes!
Cela vaut pour la compliance, les valeurs indiquées par les constructeurs pour la compliance sont sujettes à caution, car il ne semble pas exister de protocole de mesure standardisé pour cette grandeur (elle même résultante d’une compliance horizontale et d’une compliance verticale).
Cela vaut aussi pour la « masse effective du bras », quand on a la chance qu’elle soit indiquée  par le constructeur, car les méthodes de mesure diffèrent pour elle aussi.

Compatibilité Électrique

Où L’on Ne Parle Plus De Compliance, Mais D’inductance Et Impédance

Préamplification Phono: Rappel Général

Les cellules magnétiques délivrent toutes un signal trop faible pour pouvoir attaquer une entrée de préamplificateur au niveau ligne.

Elles délivrent par ailleurs un signal déformé par une « égalisation » apportée à la gravure du disque de manière à pouvoir y inscrire à la fois les fréquences graves et les aigus dans un sillon limité en taille.

Citons Claude Bonavolta chez qui on peut trouver la formule mathématique utilisée pour l’égalisation.

« Les disques vinyls sont gravés avec un niveau de graves réduit et un niveau d’aigus augmenté.

Pour le même niveau sonore, une basse fréquence implique un sillon plus large et deux inconvénients:
– Réduction du temps d’enregistrement
– Difficultés pour la cellule de suivre le sillon et ainsi plus de distorsion

A l’autre bout du spectre, le contact entre le diamant et le sillon produit un bruit composé de hautes fréquences, le souffle. En augmentant le niveau des aigus durant la gravure on obtient un meilleur rapport signal/bruit du fait que les aigus et le bruit sont réduits lors de la reproduction. »

La plus connue des courbes d’égalisation est celle définie à la fin des années 50 par la RIAA américaine, qui constitue depuis pratiquement le standard de l’industrie phonographique mondiale.

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On comprend qu’à la lecture du signal gravé (Record) il importe de compenser le plus exactement possible l’effet de cette égalisation en lui appliquant une courbe de correction exactement inverse (Preamp).

Un préampli phono comprend nécessairement le circuit requis, on le dit donc aussi « phono-RIAA«.

Une autre quasi-norme a conduit à retenir à l’entrée du pré phono une impédance de 47 kOhm et un niveau de signal de l’ordre de 3 à 5mV. Ce sont les valeurs « standard » pour les cellules MM à aimant mobile.

La large majorité des cellules MC à bobine mobile n’a enrevanche qu’un niveau de sortie très nettement inférieur, compris entre 0,08 et 0,8mV.
Elles requièrent donc une pré-préamplification pour décupler le niveau de leur signal avant d’attaquer l’étage « phono-RIAA ».

Cette « pré-préamplification MC » peut se faire soit par un transformateur, soit par un préamplificateur actif (head amp). Les cellules MC à haut niveau, minoritaires, n’en ont pas besoin.

Compatibilité électrique des cellules MM

Là, c’est un problème de farad

On pourrait s’attendre à ce que la quasi-normalisation des impédances et des niveaux de sortie ait éliminé les soucis de compatibilité entre les cellules MM et les préamplis phono-RIAA.

Il n’en est rien, même s’il est rare qu’un vendeur y fasse allusion!

Forte sensibilité aux capacités en sortie

Dans la cellule à aimants mobiles la bobine a une inductivité importante, de l’ordre de 50 à 500mH.

Cette inductivité « voit » une capacité, constituant avec elle un circuit de résonance.

Dans la mesure où ils ne peuvent guère l’éliminer, les constructeurs cherchent à placer cette résonance de manière qu’elle vienne compenser l’effet -inhérent au circuit magnétique- d’une perte de niveau de l’ordre de 6dB par octave à partir de 10kHz, tout en tenant compte de la présence d’une autre résonance, mécanique celle-là, qui intervient autour de 15kHz.  A l’idéal, la combinaison de ces compensations permet d’obtenir une courbe de réponse linéaire dans un dB.

Si la cellule « voit » une capacité supérieure à celle pour laquelle elle a été optimisée, la bosse de résonance va être décalée vers des fréquences inférieures. Les compensations voulues ne jouent plus, au contraire, la courbe de réponse prend des allures erratiques et les réponses en signaux carrés perdent beaucoup de leur superbe, et cela s’entend!

A un moindre degré, cela joue en sens inverse, pour une capacité trop faible…

A la « grande » époque, où l’on mesurait encore les cellules, il fut constaté que pour des cellules MM de la même catégorie haut-de-gamme la capacité optimale pouvait varier entre moins de 200 pF (AKG) et plus de 500pF (Ortofon VMS). Il fut aussi constaté que toutes n’étaient pas calibrées pour l’impédance « standard » de 47 kOhm, Joseph Grado confirmant par exemple à l’issue d’un test que ses Signature + IV, de par leur faible inductivité, sonnaient au mieux sur une impédance de 10 kOhm  seulement.

Il est donc bon de vérifier que la valeur de capacité recommandée par le constructeur de la cellule correspond en ordre de grandeur à celle de l’entrée du préampli phono PLUS celle des cables y menant. Les valeurs les plus souvent mesurées constatées il y a 20 ans tournaient autour de 100pF pour l’entrée et 100 pour les cables, mais un préampli HDG comme le Restek V2 alignait à lui seul 400pF.

Les préamplis-phono les plus élaborés comportent des possibilités d’ajustement de leur impédance et capacité en entrée en fonction des valeurs requises par la cellule. Si l’on ignore un des paramètres, on pourra au moins choisir à l’oreille la combinaison qui semble le plus « libérer » la cellule sans qu’elle bute sur les sifflantes.

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Un des préamplis phono les plus élaborés qui existent, continuateur des lignées de préamplis EMT équipant la majorité des radios européennes à l’époque du microsillon, le JPA 66 offre un large choix d’égalisation, permettant de restituer correctement les enregistrements effectués avant que se généralise l’égalisation RIAA (années 60). Il permet aussi d’ajuster les capacités.

En l’absence de tels réglages reste la solution de rajouter des capacités sur le chemin du signal, si la cellule n’est pas assez chargée. Si elle l’est trop, on pourra essayer de gratter quelques pF sur les cables, ou mettre en parallèle avec les fiches d’entrée du préampli deux fiches chargées par une capacité adéquate. 

Compatibilité électrique des cellules MC

Une affaire d’Ohm

Quasi insensibilité aux capacités en sortie

Le circuit électromagnétique des cellules à bobines mobiles n’est pas exposé aux mêmes pertes de niveau de sortie à partir de 8/10kHz, du fait de la taille nettement plus conséquente de ses aimants. Une compensation de la courbe de réponse par une résonance électrique, comme celle que l’on recherche pour les MM, n’est donc pas requise.

Elle serait d’ailleurs impossible à obtenir sans ajouter des capacités importantes puisque pour une MC d’inductivité 3mH et un cable de 300 pF la résonance naturelle se situerait vers 160 kHz .

Sensibilité aux parasites

Si l’on prend l’exemple d’une cellule MC d’un niveau de sortie de 0,1mV (pour le « signal gravé » de 8 cm/s qui sert de référence) et qu’on en exige une dynamique de 60 dB, le signal le plus faible qu’elle aura à fournir sera de 0,1 microvolt! A ces niveaux il est impératif d’éliminer toutes les sources potentielles de souffle et ronflette en sortie de cellule: Choix de cables insensibles aux perturbations et rayonnements, mise à la terre efficace, boitiers de mumétal pour éviter tout rayonnement des transfos, éloignement de l’équipement phono de tout autre appareil présentant un fort rayonnement magnétique.

Pour les mêmes raisons, de nombreux pré-prés sont alimentés d’origine ou en option sur piles ou batteries

Choix du rapport de transformation

Le générateur d’une cellule MC comporte un enroulement d’une centaine de spires. Son impédance peut varier, selon le nombre de spires et la finesse du fil utilisé, entre moins de dix Ohm et plus d’une centaine d’Ohm, avec une corrrélation approximative entre impédance du générateur et niveau de sortie (moins de spires> moins de résistance/impédance>signal plus faible).  

Si l’on souhaîte transmettre le maximum de l’énergie de ce générateur, il est impératif que l’impédance d’entrée du pré-pré auquel on le raccorde ne dépasse pas une valeur maximum par rapport à son impédance de sortie. Faute de quoi on « perdrait » sur le signal, au détriment du rapport signal/bruit.

Une charge trop forte, s’approchant de la valeur « standard » de 47k pour les MM, conduit à une très sensible remontée dans l’aigu (jusqu’à 10 dB au delà de 12 Khz) qui pourrait flatter si elle ne cachait pas une importante distortion harmonique d’ordre impair.

La charge représente par ailleurs un amortissement électro-mécanique des mouvements de l’équipage mobile, dont le constructeur a tenu compte dans la mise au point de la cellule. On aura donc intérêt à rechercher d’abord la charge optimale avant, le cas échéant, de recourir à des moyens mécaniques (fluide amortissseur) pour amortir des résonances indésirables.
D’après Tom Evans les charges optimales sont à rechercher comme suit

Pour un pré-pré actif: Entre 5 et 20 fois l’impédance de la cellule

Pour un transformateur: Entre 1 et 5 fois l’impédance de la cellule

Il note toutefois de nombreuses exceptions -il est donc conseillé de lire attentivement la notice accompagnant la cellule- en particulier pour les familles suivantes

Lyra5,5 Ohm100 Ohm pour un prépré, entre 4 et 10 pour un transfo
Koetsu5 Ohm100 Ohm pour un prépré, entre 10 et 15 pour un transfo
Denon40 Ohm100 Ohm pour un prépré, entre 20 et 40 pour un transfo

Certains pré-préamplificateurs et transfos MC « vintage », et la majorité des pré-prés MC en production aujourd’hui permettent d’ajuster ces valeurs d’impédance. Sur un Thorens PPA 990, par exemple,  on peut commuter entre une impédance de source de 2 Ohm, celle des MC Ortofon à très bas niveau de sortie, en vogue il y a 25 ans, et une impédance de 22 Ohm, convenant par exemple à une Dynavector Karat.

En général un rapport d’impédance correct est établi si l’on choisit le rapport de transformation nécessaire pour obtenir en sortie de pré-pré les 3 à 5 mV de la « norme ». Pour une cellule fournissant un signal de 0,1mV, il sera de 30, soit plus de 30 dB.  Pour les cellules, de plus en plus nombreuses, sortant plus de 0,5 mV, une valeur de 20dB sera parfaitement suffisante.

Enfin, et toujours en général, les fabricants de cellules d’antan, quand ils proposaient aussi une pré-préamplification, prenaient soin que le transfo harmonise du mieux possible avec le transducteur. Dans le doute quant aux valeurs électriques exactes, on peut donc se mettre en quête, par exemple pour une Supex SD-900 retrouvée neuve dans un tiroir, du transfo SDT-180 que le constructeur avait développé pour elle.

transfo-sucre.jpg
Mini-transformateurs « dé à coudre »,
badgés ici Sony,
mais également proposés à l’époque
par Ortofon et d’autres marques


JM Willigens-2005, révisé 2020


[1] * Exception récente, mettant à profit les 40 ans de progrès dans le domaine des diodes lumineuses et des capteurs optiques, le nouveau phonocapteur optique que propose le Japonais DS Audio. Le levier porte-pointe n’y meut qu’une très fine plaque opaque, dont le déplacement vient plus ou moins occulter un rayon lumineux.

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