C’est une histoire ancienne, elle puise ses racines dans mes lectures de jeune audiophile, au début des années 80. La découverte de la revue « L’Audiophile », fut pour moi comme pour beaucoup de francophones, passionnés d’audio, un choc, qui orienta notre façon de voir nos systèmes pour de longues années, et son empreinte, aujourd’hui encore, plus de trente ans après est toujours aussi présente. Ce qui s’est publié ces années là, à part peut-être pour le milieu Japonais qui pratiquait déjà, allait mettre en place une nouvelle « école ». En ce qui concerne les amplificateurs deux lignes étaient présentées, les petits « classe A » à transistors, 20W Hiraga, 30W, Le Monstre, 30 et 50 W Kaneda, et les SE de triodes à chauffage direct, 300B, VT52, 2A3 (1). Ces deux catégories allaient occuper une bonne part de mes réalisations, de l’époque, d’abord les classe A transistorisés (autour du 8 W), puis les « petits » SE, surtout destinés à la voie médium aigu à pavillons en « bi-amplification » (principalement autour de la WE VT52 (7)). Les qualités de ces amplificateurs, à tubes, sont intéressantes, au-delà de la voie médium, en pleine bande, pour autant qu’ils puissent délivrer assez de puissance, ce qui n’est pas une évidence. Bien sûr, les 8 W de la 300B peuvent être suffisants, proposent un résultat de qualité, mais laissent peu de marge sur la limite de puissance. A cette époque, sous la plume de W. Walter (2) est paru dans l’Audiophile un article résumant le choix en triodes à chauffage direct et haute linéarité. Là, quelques lignes sont encore gravées dans ma mémoire, et ont posé les bases de ce que seraient mes développements lorsque j’en aurai les moyens.

 

Je me rendis compte dès ces années, que si un jour je souhaitais me « débarrasser » de la complexité inhérente aux systèmes multi-amplifiés, et conserver les qualités des triodes à chauffage direct, en montage SE, il y avait des choix possibles, la TM100, bien sûr, fascinante triode française, mais aussi ses sœurs américaines 211 et 845. Je ne connaissais pas à l’époque, ni les RS237 de chez Telefunken, une 211 « à la sauce allemande », ni la MC1/60 hollandaise de chez Philips. Ces tubes me furent présentés plus tard par mon ami Marcel Roggero, qui m’en céda un petit stock, toujours en ma possession. D’autres choix existent, comme la GM70 russe, la 813, câblée en triode, que j’approvisionnai aussi, par l’intermédiaire d’un brocanteur en matériel militaire bien connu du milieu (audiophile, pas l’autre) marseillais. Pour des raisons, non de qualité, mais de facilité et de points communs, je ne reteins pour mes développements, que la « bande des quatre », 211, RS237, TM100 et MC1/60. La 845 tube de très haute qualité, très linéaire présente des particularités de gain qui imposent un driver, de type 10Y, VT52, 300B, etc. complexifiant le schéma (même si Y. Monmagnon et quelques autres ont réussi à le driver en deux étages, en utilisant des pentodes TV), le GM70 différent par son support, ses points de fonctionnement, n’est pas très compatible. J’ai donc décidé d’écarter ces deux tubes, même si rien dans leurs caractéristiques n’interdit leur utilisation, tout comme le 813.

 

Fig 1 : Quelque tubes utilisables pour des montages SE à haute linéarité et moyenne puissance (12 à 15 W)

 

A cette époque Marcel Roggero me présenta et me confia un autre tube, le 851, toujours une triode à chauffage direct, beaucoup plus grosse, travaillant sous 2000 V, qui permet de produire de fortes puissances, environ 100 W de puissance de sortie, mais au prix de grosses difficultés de réalisation. Elles sont toujours là, avec un embryon de prototype, quelques transformateurs, attendant des jours de plus grande disponibilité, qui ne manqueront pas de venir. Le tube, avec son énorme anode graphite, ressemble à une 211 qui aurait été confiée à un médecin, préparateur physique de cyclisme, amateur de stéroïdes, son bulbe en verre fait penser à un aquarium. Elle semble évadée d’une bande dessinée des aventures de Blake et Mortimer. Ses caractéristiques semblent particulièrement alléchantes, surtout en linéarité pure (4), les courbes Ia = f(Va), Vg étant assez impressionnantes.

Fig 2 : Votre serviteur, avec une 851 dans sa main droite et une 211 dans la gauche.

 

La bande des quatre (211, RS237, TM100 et MC1/60), par leurs qualités et leurs similitudes, à part en ce qui concerne le chauffage filament, 10 V – 3.3A pour les deux premières et 4 V – 3.3 A pour les deux dernières, a donc été choisie pour mes développements en matière d’amplificateurs « pleine bande » pour mon système à haut rendement.

 

Suite à ce choix, une première étape de réflexion fut de sélectionner ce qui devait aller devant, les étages d’entrée et drivers, et ce qui allait derrière, le transformateur de sortie. Pour ce dernier, l’ère de l’internet, présente tout de même des avantages que nous n’avions pas au début des 80’s, disponibilité et facilité d’approvisionnement. Mes amis, leurs conseils, les forums, la lecture de la revue Vaccum Tube Valley, m’ont permis de me faire une idée de ce qui est utilisable. Tango, Tamura, Plitron, Bartolucci, Audio Note, Hexacom, Electra Print, Sowter, Lundahl… pas mal de choses, sans compter les modèles de bobineurs sur cahier des charges. La facilité d’approvisionnement m’a permis de m’arrêter sur le très beau Tamura F2013 (10 kohms primaire pour 4, 8 et 16 ohms secondaire), longtemps en balance avec le Tango X10s, disons, que l’occasion a fait le larron, le Tamura était disponible, le Tango, plus difficile coté délais. C’est un choix que je n’ai pas eu à regretter.

Le reste du montage autour de la triode de sortie est très classique, alimentation à 1050 V, polarisation automatique, chauffage filament en continu. L’alimentation HT est redressée par diodes FRED, filtrée en CLC (50 µF, 10H, 100 µF). Rien de bien révolutionnaire. (3, 4)

 

Fig 3 : La bande des quatre, de gauche à droite, 211 (VT4-B), RS237, TM100 et MC1/60.

 


Fig 4 : 211 (VT-4C) General Electric à gauche et RS237 Telefunken à droite.

 

Fig 5 : TM100 Mazda à gauche et MC1/60 Philips à droite

 

En ce qui concerne les étages d’entrée et driver, je souhaitais, vue la sensibilité de la 211 et de ses équivalents, qui demandent un signal maximum d’attaque d’environ 60V crête, pour un montage en classe A, sous 1000V de tension cathode-anode, pouvoir « faire le boulot » avec un seul tube. Mon choix de départ aurait été la WE437A (5), triode très difficile à approvisionner, et hors de prix de nos jours. Après pas mal d’essais mon choix s’est porté sur la C3g (Siemens ou Lorenz), pentode montée en triode. Fable impédance interne, délivrant un swing maximum de près de 100V crête. Tube disponible en NOS, et abordable.

 

Afin de de tester tout de même des montages à trois étages (tube d’entrée + tube driver + tube de puissance), avec un driver séparé, j’ai pu construire les configurations suivantes, 6SN7 (ou 6SL7, ECC35) + WE VT52 (ou 6A3, 6B4G, 2A3, 10Y/VT25) et un circuit avec une EML30a seule en entrée/driver. A mes goûts, tous les montages à trois étages se sont révélés inférieurs à ceux à deux étages avec une préférence pour la C3g, talonnée par l’EML30A (6). En réalité, beaucoup plus de choses ont été testées, mais je ne retiens que les plus marquantes.

A bien y regarder, la structure est celle d’un petit amplificateur à 2A3, mais en plus gros. Je suis depuis longtemps un adepte des solutions simples et éprouvées, deux voies, compression 1 pouce et 38 cm, enceintes simples, amplis simples, préamplificateurs passifs. Philosophie minimum (8).

Pour des raisons de simplicité, l’amplificateur a été construit en 3 modules, deux modules mono pour les étages de puissance, un module stéréo pour les étages d’entrée/driver.

Fig 6 : Test avec des EML 30A en étage d’entrée – driver, charge à self de plaque.

 

Fig 7 : Tests avec un étage intermédiaire – driver avec des 10Y (charge par self).

 

Fig 8 : Réponse en signal carré (10 kHz) de l’étage d’entrée à C3g (en bas) 40 V CàC.

 

Fig 9 : Réponse en signal sinusoïdal (1 kHz) de l’étage d’entrée à C3g 80 V CàC.

 

Fig 10 : Configuration retenue à ce jour pour l’étage d’entrée/driver, C3g (triode) en simple étage, charge résistive, liaison capacitive à l’étage de sortie.

 

Que dire en conclusion… A ce jour, que ces amplis me satisfont pleinement, qu’ils ont permis de stabiliser mon système avec des configurations, performantes, fiables et pérennes, que j’ai des tubes en stock pour 200 ans, dans de grandes marques, que la maintenance est simple… Que du bonheur. Il ne m’appartient pas de faire la description de leurs qualités (ou de leurs défauts), je laisse ce travail à ceux qui les ont écoutés, ou les écouteront.

 

Fig 11 : Pour voir venir en 211/VT-4C.

 

Pour finir une petite mesure de distorsion, il en faut aussi, pour 100 dB à 1 m, donc pour une puissance délivrée de 1 W, d’un ensemble Altec 515-8C (GPA) et TAD TD-2001, drivé par ces amplificateurs 211 + C3g, le rendement des enceintes étant de l’ordre de 99 dB/W/m. Le signal d’entrée est délivré à 2 kHz.

 

Fig 12 : Distorsion à 2 KHz pour 1W en sortie (amplificateurs + enceinte acoustique)

 

Un petit mot de plus, si je développe des amplificateurs à tubes, en particulier des amplificateurs à triodes anciennes, ce n’est pas parce que je pense que c’est une solution irremplaçable, ou incontournable, même si leurs qualités me comblent souvent. Je prends aussi beaucoup de plaisir à écouter des push-pulls de tubes, de transistors bipolaires, de Mos ou de Spatioships coudés…. Non, je fais ça essentiellement, parce que ça m’amuse.

 

Bibliographie :

 

1 – Jean Hiraga, Visite chez un audiophile Japonais, L’Audiophile N°1, 1977

2 – William Walter, Amplificateurs monotriodes de puissance – aspects pratiques,

L’Audiophile N°38, 1986

3 – RCA Technical manual TT3 Air cooled transmitting tubes.

4 – Site Frank’s electron, site internet récapitulant les documentations techniques concernant les tubes 211, RS237, MC1/60, 845, 851, GM70, 813, C3g, 6SL7, 6SN7.

https://frank.pocnet.net

5 –  Site Western Electric, site internet contenant les documentations techniques concernant les tubes WE437A. http://www.westernelectric.com

6 – Site EML, site internet contenant les documentations techniques concernant les tubes EML30a. http://www.emissionlabs.com

7 – Site VT52, site internet contenant les documentations techniques concernant les tubes VT52. www.VT52.com

8 – Pierre Lurné, La platine minimum, L’Audiophile N°18, 1980.

 

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