Audiotec fait partie de ces marques mythiques pour lesquelles s’est développé un véritable culte…dans l’ombre. Puisqu’aussi bien la personnalité de son créateur, Marcel Vaissaire, s’accommodait peu de copinages avec la presse spécialisée, d’arrangements avec des distributeurs peu sérieux et de l’exagération mensongère comme instrument de marketing. Les bancs d’essais sont donc restés rares, les mentions dans les compte-rendus de salons épisodiques, et même à la grande époque des années 70, beaucoup d’audiophiles étaient peu au courant des activités de la marque.

Marcel Vaissaire

Marcel Vaissaire a pris sa retraite dans le proche Sud-Est. On le disait bougon, mais c’est avec beaucoup de franchise et de gentillesse qu’il a accepté de partager quelques souvenirs, épars, puisque, comme il l’avoue, il n’a rien d’un collectionneur de reliques. Ses formules et jugements sont clairs et nets, mieux vaut donc le citer le plus largement possible:

« J’ai débuté dans la vie active en 1936, à l’âge de 14 ans, comme apprenti tourneur-outilleur, á une époque où les métiers manuels n’étaient pas considérés comme le dernier refuge des débiles. D’abord en France, jusqu’en 1942 et de cette date à 1945 en Allemagne, au titre du STO,

d’abord dans une usine Junker en tant qu’outilleur, puis dans une PME jusqu’à la fin de la guerre. Ce séjour m’a permis, travaillant de nuit une semaine sur deux, d’apprendre l’allemand, à partir de la méthode Assimil, en louant des livres techniques, mais aussi romans et poésie dans des bibliothèques et en fréquentant l’école Berlitz de Leipzig. Pendant ces années, lorsque la situation le permettait, je consacrais tous mes loisirs à pratiquer, en amateur, ce que l’on appelait alors la radio et à lire des ouvrages et revues. »

Aprés la guerre Marcel Vaissaire est dépanneur au service maintenance de Thomson et dès 1947, fait ses premiers pas dans la recherche de la fidélité de reproduction, avec des amplis à triodes et des enceintes bass reflex. Il travaille ensuite dans plusieurs PME, pour lesquelles il développe des récepteurs radio portables piles-secteur (à lampes), avant de rejoindre les Ets Gaillard en 1954. La gamme de récepteurs, d’amplis-préamplis et enceintes qu’il crée pour Gaillard fait entrer la marque dans la haute-fidélité et lui permet d’éviter la faillite. En 1962, cependant, M. Vaissaire se refuse à entrer dans le jeux des mensonges publicitaires -même si les concurrents n’ont pas ces états d’âme- et de publier des chiffres de performances fantaisistes. Il quitte donc Gaillard pour s’établir á son compte et fonder Audiotecnic, rue de Tournus.

Audiotecnic

La gamme proposée dès 1962 comporte des « récepteurs de table » de la série RM 3xx, les derniers chiffres indiquant le nombre de lampes, qui varie de 13 à 16 pour le modèle doté d’un préamplificateur de pick-up magnétique. En version « radiophono » RPM , la console de 105 cm de haut comporte soit un changeur Dual à cellule piezo, soit une Thorens TD134 (modèle 316). Il existe aussi un récepteur AF-FM, et, dans un look beaucoup plus moderne d’éléments séparés, un tuner FM, prévu pour un décodeur « après adoption d’un systéme multiplex définitif par la RTF », un préamplificateur correcteur (2 ECC83, 2 ECC 81, 2 EF80) et deux amplificateurs l’A308 et l’A320. Ce dernier tire 20W d’une combinaison de GZ34, 12AX7, 12AU7, EL34, EL84, EF80 et ET80 (schéma).

Deux modèles d’enceintes sont proposés à ceux qui ne veulent pas se contenter des HP intégrés aux récepteurs, l’une de 125 (E125) litres et 3 HP, l’autre de 250 litres et 5 HP, à parois de 42mm et pesant 82kg. Elles marquent le début d’une longue évolution et d’une multiplicité de modèles et variantes, en raison du rôle prépondérant que Marcel Vaissaire reconnait aux haut-parleurs et aux enceintes, qui « conditionnent la qualité de l’audition ». Dès qu’un nouveau transducteur apparaît sur le marché, il le teste et, s’il constate une amélioration, l’incorpore à une série en cours de livraison. La quête est ardue, les fabricants tardant à s’intéresser à ce marché embryonnaire, et il faut les aider dans les mises au point d’outillage, par exemple pour fabriquer les suspensions périphériques. Les premiers chassis de haut parleurs viennent de chez Princeps, également fournisseur de Cabasse et dont les ingénieurs Lion et Voirin sont soucieux de qualité. Ils fournissent des transducteurs électrostatiques pour l’extrême-aigu, L’E253 en compte trois, l’E125 un, alimentés par un ampli auxiliaire de L’A320 et complétant un électrodynamique de 17cm et respectivement un HP basses de 28 ou 35cm.

En 1963, la gamme d’éléments séparés s’enrichit du préampli PR303/306 et des amplis de puissance A408 et A412, complétant l’A320, les puissances « Hi-Fi », sensiblement inférieures à la puissance sinusoidale, mais auxquelles le constructeur préfère se référer, vont de 8 à 25 W.

Du côté des enceintes un brevet d’amortissement mécanique des HP est déposé, que M. Vaissaire détaille pour les lecteurs de la revue du Son: Chaque haut-parleur est enfermé dans une enceinte poreuse réalisée par un feutrage textile. Ce principe est appliqué sur tous les modèles, des A64 aux D64 tandis que les progrès des HP d’aigu permettent de s’affranchir de la complexité des statiques. Mais la faible performance des transducteurs oblige á multiplier leur nombre: Sur la grosse D64 de 62kg, il n’y a pas moins de 9 HP graves et 4 tweeters!

L’année suivante, changement de présentation pour le préampli, dénommé désormais 303/306b, apparition de l’ampli A540 de schéma Williamson, avec des ECC83 en entrée et des EL34 en sortie, sortant 45W et dont les taux de distorsion à 8W sont inférieurs á 0,1% à toutes les fréquences, et premiére apparition des transistors dans la partie préampli de l’intégré PRA560.

L’A540 est présenté en 1966 par la Revue du Son.
Pour les enceintes, la tendance est á une relative sveltesse: Les modéles B65N et E65N de respectivement 22 et 42kg, tout comme le nouveau modéle A67 de 10kg, utilisent un transducteur d’aigu de 6,5cm, les fréquences de coupure sont fixées à 600Hz et 5kHz (Marcel Vaissaire conservera à peu prés les mêmes fréquences de coupure jusqu’aux G150), les basses étant confiées à des HP elliptiques, sauf sur l’A67 équipée d’un 17cm. Ce n’est qu’à cette époque qu’ Audiotecnic commence à miser sur le transistor, mais il est vrai que le silicium vient á peine d’apparaître. L’intégré PA800 est présenté en 1967 à l’AFDERS, Maurice Favre vante son « extraordinaire propreté ».

Il sera suivi, tandis que les enceintes progressent elles aussi, d’une longue famille culminant avec le PA800D,

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ainsi que de préamplis reprenant bientot sa présentation, les PRA 806 et 803, d’un ampli de puissance, l’A860 de 60W, lui ausi décliné en A860GP dès 1969 (2x80W). et d’un tuner T832. Les amplis á lampes disparaissent en 1969.

Parallèlement, Audiotecnic, qui propose entretemps des chaines équipées de platines de meilleur aloi, à savoir TD 124 ou TD150, s’accorde avec la société japonaise Stax, dont la philosophie de qualité est certainement voisine de la sienne, pour distribuer en France ses bras et surtout ses cellules et casques électrostatiques.

D’ Audiotecnic à Audiotec

Il n’y a pas de solution de continuité entre Audiotecnic et Audiotec, simplement une antériorité de quelques mois en faveur du japonais Audiotechnica dans l’utilisation de cette raison sociale, qui conduit à modifier la dénomination lorsqu’il s’établit en France… C’est sous ce nouveau nom qu’Audiotec, qui ne distribue plus les matériels Stax -la fragilité des cellules électrostatiques y est sans doute pour quelque chose -va d’ailleurs représenter Audiotechnica, aux cellules moins capricieuses mais pour certaines, les AT15 SL et AT20SL par exemple, tout aussi performantes, pendant plusieurs années. Pour remplacer les Stax, la société met au point son propre casque électrostatique, le CES, que Karl Breh, pape allemand de la haute-fidélité, couronnera plus tard comme exceptionnel.

Le nouveau nom s’accompagne d’un déménagement à Arcueil, et d’une amélioration de l’esthétique des appareils: Les coffrets bois ont disparu, tous les appareils sont livrés en noir, sans aucun des artifices de design que Scientelec ou Braun ont mis à la mode, le PA800 (arrivé à la version E, de puissance légèrement réduite par rapport au D) ne se distinguant qu’à peine du préampli PR906. L’A960 de 2x100W succède au 860, le T932 au 832, tandis qu’apparaît l’A250, de 50W. La gamme d’enceintes prend une forme « colonne » plus élégante et logeable, elle culmine avec l’E75 équipée de deux HP de grave de 25cm. Est aussi proposé, à l’époque où tous les japonais se parent d’énormes vu-mètres, l’accessoire IPC (indicateur de puissance crête) doté de six diodes rouges beaucoup plus rapides qu’une aiguille de cadran…

En 1974 , tandis que la petite A100 disparait, la gamme d’enceintes s’enrichit du modéle F80; la même forme de colonne de 108 cm n’abrite cependant plus que deux HP grave montés en push-pull, le médium et l’aigu étant reproduits par des transducteurs montés dans un coffret séparé, que Marcel Vaissaire recommande de positionner à 50 cm en arrière de la colonne. C’est vers cette époque que les appareils passent du noir, entretemps galvaudé par la totalité des matériels japonais « grand public », à un look inox.

En 1976, Audiotec présente deux nouveaux modéles d’enceintes haut de gamme, dont la silhouette, rappelant de loin celle d’un kangourou assis, déconcerte: Juché sur trois pieds, un long caisson se terminant par un cache HP en forme de pyramide tronquée abrite deux 25 cm montés en push-pull. Tout à fait à l’arrière de ce caisson, décalé des fameux 50cm, une boite de 11 cm de profondeur abrite le medium à dôme, elle est elle-même surmontée à l’extrémité de deux tiges de quelques centimètres, d’un troisième boitier, celui du tweeter. Le montage des HP basses en push-pull qu’Audiotec a mis au point est présenté en détail par Jean Hiraga dans son ouvrage de référence sur les haut parleurs. Les deux modèles, d’aspect identique, diffèrent cependant profondément, puisque le modéle H100 est, conventionnellement, passif tandis que la G150 est prévue pour une triamplification. Elle est assurée par le filtre actif FA2, alimentant soit une combinaison des boitiers d’amplification A 502 ou A 802, soit le trés gros A506 de 20 kg, dont les « deux fois trois voies » d’amplification fournissent respectivement 80, 55 et 55W aux modules du « kangourou ».

La gamme est complétée l’année suivante par la platine ED3, à entrainement direct, qu’Audiotec livre en série avec un bras Audiotechnica, et, en 1978, de l’égaliseur EG1.

En 1980, les H100 et G150 abandonnent leur silhouette pour une ligne plus élégante, le caisson inférieur ètant désormais vertical, et Audiotec annonce la sortie d’un modèle dérivé « Elstat », équipé d’un HP électrostatique pour la voie medium. Tout comme le tuner à synthèse de fréquence, l’Elstat restera au stade de prototype, Audiotec cessant ses activités en 1981. Ce n’est pas un déménagement à la cloche de bois, Marcel Vaissaire ne laisse aucune ardoise, ayant toujours scrupuleusement réglé fournisseurs et fisc, mais il en a manifestement marre.

Le A502
Le très gros A506 (20kg)
La platine Audiotèque

Les raisons d’un arrêt

Il y a d’abord la victoire de Mitterrand et de la gauche, qui paralyse ses clients appartenant en majorité aux classes moyennes, les commandes se ralentissent brusquement. Il y a surtout la difficulté croissante à obtenir des fournitures correctes de la part des nombreux sous-traitants:

Elstat

« Sur les amplis japonais, l’équilibre des potentiomètres est respecté à moins d’un dB, en France, personne ne donnait aucune garantie à cet égard, nos deux fournisseurs allemands ne garantissaient pas mieux que 3dB, ce qui n’était pas toujours respecté et obligeait à faire un tri avant cablage. Pour les mousses de façade nous avons dû attendre 4 mois de plus que prévu que Nobel Bozel nous livre des produits convenables, heureusement que nos clients nous faisaient confiance et prenaient livraison du matériel sans cet élément, faute de quoi nous n’aurions rien pu livrer.. J’ai toujours testé chaque haut parleur avant montage en relevant courbe de réponse et fréquence de résonance. Or il m’est arrivé de constater sur une série de tweeters un niveau trop faible d’environ 7dB. Suspectant une aimantation défectueuse des ferrites, j’ai contacté Audax, qui m’a assuré que c’était impossible, mais, devant mon insistance, m’a proposé de repasser les HP au banc d’aimantation. Quelques semaines plus tard on m’a fait savoir que j’avais levé un lièvre inattendu et qu’effectivement leur banc d’aimantation était en panne. Le simple contrôle d’un HP sur mille aurait permis de constater le défaut. Outre le manque de sérieux d’Audax, cela prouve que leurs autres clients se contentaient de n’importe quoi et que l’utilisateur final en faisait les frais. Sur les derniéres livraisons de façades, nous avons eu un déchet de 75%… »

Marcel Vaissaire prend donc sa retraite, mais reste en contact pendant plusieurs années avec la haute-fidélité, par le biais d’un ancien fidèle client -qui avait d’ailleurs envisagé de reprendre la marque, mais préféré se lancer dans l’édition de la revue Compact Disque. C’est lui qui mesure et note la valeur technique des enregistrements. Un temps, il escompte une reprise de la conjoncture qui permette de relancer une production à petite échelle des derniers modéles, dont l’Elstat (voir photo) mais il constate que la difficulté à trouver des sous-traitants sérieux ne cesse de croitre, et que le niveau technique auquel sont arrivés les grands constructeurs japonais pour leurs produits a suffisamment progressé pour satisfaire la quasi totalité des utilisateurs.

« Le seule possibilité reste de proposer à prix d’or des fabrications ésotériques, pour une clientèle naive croyant au miracle du câblage en fil d’argent et autres stupidités. N’ayant aucune disposition pour vendre du vent, cela ne m’a pas intéressé »

AUDIOTEC et les tests

« Le son sans falsification »

N’ayant, comme il le dit lui-même, aucune disposition pour vendre du vent, Marcel Vaissaire ne se fiait pas exclusivement aux résultats d’écoute. Bien au contraire, il était persuadé que la qualité passait par un contrôle sévère des performances électriques, et il livrait d’ailleurs chacun de ses amplis avec la liasse des relevés B&K constatés au passage au banc, épreuve certainement longue et délicate qu’il imposait avant livraison. En témoigne aussi sa fiche « Comment choisir une chaine haute fidélité », où il se faisait l’avocat de taux de distorsion inférieurs à 0,1% et de bandes passantes enceintes tenues à 4 dB près, et affirmait, en 1976:

 » Pour fixer les idées, disons qu’un ensemble ampli, platine et enceintes ne peut être vendu à un prix inférieur à environ 5500F si les composants sont de qualité et les contrôles et réglages effectués comme ils doivent l’être. A l’aute extrémité de la gamme le prix le plus élevé ne doit pas dépasser 13 à 15000F. Un prix plus élevé résulte vraisemblablement de marges commerciales exagérées, de l’adjonction de gadgets inutiles ou de l’exploitation du snobisme des prix élevés »
Il préférait donc confier ses produits à des labos réputés pour leur sérieux, par exemple le Laboratoire National d’essais, qui attestait à la combinaison A 960+PR906

  • Une courbe de réponse remarquablement rectiligne
  • Des signaux carrés quasiment parfaits, avec un temps de montée de 2 microsecondes
  • Une distorsion comprise entre 0,01 et 0,02%
  • Un rapport signal/bruit de 104dB en haut niveau.

Ces mesures précédaient pour Diapason (10/1976) un rapport d’écoute de Georges Kisselhoff qui relevait « un son chaud, confortable, et á la fois très fin sans aucune dureté; une parfaite synthèse des détails, une grande clarté, vérité et lisibilité des timbres et une masse sonore magnifique » .
Le casque CES a été encensé par Gilles Nardeau, dans Harmonie, qui admirait, outre les qualités d’aigu propres aux électrostatiques, la profondeur des basses, naturelles et véridiques, par Karl Breh, dans HiFi Stereophonie, qui le jugeait « hervorragend » et par Wireless World.
Outre Alain Gerber et J.M. Grenier, les amplis et enceintes Audiotec ont été particulièrement appréciés par le canadien Gilles Poirier, dont le Guide de la haute-fidélité figurait comme unique ouvrage de référence dans de nombreuses bibliothèques françaises. Il y déclarait n’avoir jamais entendu plus beau son que celui des E65N.

Les nombreux témoignages de clients mettaient en avant le rapport qualité/prix absolument exceptionnel. Une constante des produits Audiotec, d’autant que l’on pouvait économiser 20% du tarif catalogue en commandant directement à Arcueil et allant, quelques semaines plus tard, prendre livraison au carrefour de la Vache Noire…

Les dernières chaînes, de 1978 à la fin d’Audiotec

C’est la défunte revue HiFi-Conseils qui a le mieux accompagné, par des bancs d’essais et comptes-rendus d’écoute particulièrement détaillés, les dernières années d’Audiotec. Années de plénitude, pourrait-on dire, puisque la gamme de Marcel Vaissaire couvre tout ce dont a besoin « l’audiophile honnête » -si l’on excepte les bras et cellules que fournit Audiotechnica.
En 1979 HiFi-Conseils présente la B98, qui vient de succéder à la B95 en milieu de gamme. Cette colonne de 61x30x30 et 18 kg, vendue 1450F sans habillage, est équipée d’un 25cm Audax et de deux transducteurs á dôme RTC de 50 et 25mm, les coupures se faisant à 600 et 5000Hz. Les filtres, énergiques, ne comptent pas moins de 20 éléments, chacun isolé par une petite bande de mousse des vibrations de la caisse…Un traitement anti-MDI avant l’heure!
L’écoute est résumée par les points forts « Un trés grand respect des timbres, la netteté et clarté de la reproduction, le rendu des transitoires et la bonne restitution de l’extrême grave » et la constation qu’il est difficile de formuler un quelconque point faible. Ce n’est que dans les commentaires détaillés sur cette « très, très belle réalisation » qu’est mentionné un léger manque de bas médium dans les meilleures salles.
Il est intentionnel, comme Marcel Vaissaire l’explique peu après, à l’occasion de la présentation de l’égaliseur Audiotec EG1 en janvier 1980:
On est maintenant parvenu à réaliser des enceintes ayant un taux de distorsion raisonnable et des colorations réduites(…) cependant laréponse en fréquence, si elle est trés régulière en champ libre (p.ex. chambre sourde) est totalement perturbée par l’acoustique de la pièce d’écoute. Les pièces d’habitation normales ont en général une acoustique qui favorise les fréquences du bas-médium avec des résonances très marquées dans le grave alors que l’aigu et le haut-médium sont partiellement absorbés par les éléments mous de l’ameublement. Cette absorption des fréquences élevées, souhaîtable en soi, car une acoustique réverbérante conduirait là à une audition agressive et dure, n’en amène pas moins, conjuguée au bas-médium accentué, une audition cotonneuse et manquant de définition. L’effet de masque de ce bas-médium sur le haut du spectre est désastreux et d’autant plus gênant que la grande majorité des enceintes présente dans cette zone un excès de rendement. Un égaliseur permet de rémédier facilement et efficacement à cette situation, ainsi qu’aux défauts de nombreux enregistrements commerciaux qui exagèrent encore cette prédominance.

L’EG1 ne se limite pas à ces corrections, que déjà aucun des correcteurs classiques alors à la mode, voire obligatoires en haut de gamme, sur les amplis n’est capable d’effectuer avec assez de précision: Il est destiné à corriger tout défaut d’équilibre d’autres maillons de la chaîne, en particulier des sources, alors exclusivement analogiques, par des réglages de base faciles à retrouver, et aussi, au coup par coup, à rétablir l’équilibre de certaines prises de son défectueuses. L’EG1 ne compte donc pas moins de onze plages de correction, chaque réglage agissant sur une bande de la largeur d’une octave, et aux limites elles même variables dans un rapport approximatif de 1 à 1,5, utilisables tant en reproduction que sur une modulation à enregistrer; les réglages se font exclusivement par contacteurs et l’électronique est particulièrement soignée, avec une distorsion limitée à 0.01% et un bruit de fond rejeté à 96dB.
D’après Marcel Vaissaire « aprés quelques séances d’essais échelonnées sur une semaine, la majorité des utilisateurs peut arriver à des résultats très satisfaisants », bien que les amateurs d’enregistrement puissent encore raccourcir ce délai en comparant un enregistrement de voix fait en plein air avec la même voix en direct à l’intérieur de la future pièce d’écoute, étant entendu qu’on peut aussi arriver à ses fins avec une générateur de bruit rose et un analyseur, á condition de peaufiner le résultat obtenu « à l’écoute ».
Si l’EG1 a été commercialisé, ce n’est certainement que brièvement et à peu d’exemplaires, aucune mention n’est d’ailleurs faite de son prix dans la présentation par HiFi-Conseils.
La quasi-totalité de ses clients ne disposant pas d’un appareil équivalent, Marcel Vaissaire règle donc ses enceintes en fonction des « dimensions généralement constatées » de leur pièce d’écoute, comme le confirme le relevé de bande passante de la G150, publié également par HiFi-Conseils à la même époque: D’une fantastique linéarité au delà de 150Hz, où la courbe tient dans +/-1,5dB, il montre une atténuation régulière vers les fréquences les plus basses, avec -5dB à 50Hz et -8dB à 30Hz.
Malgré cette atténuation, HiFi-Conseils note à l’écoute du disque Sarastro enregistré à Thionville  » le grave et l’extrême grave du pédalier sont d’une présence et d’une propreté confondante »; force est donc de supposer qu’Audiotec a trouvé le bon remède aux problèmes acoustiques que posent la majorité des salons d’écoute des particuliers…

Mais la chaîne G150 mérite d’être présentée en détail, quoique moins largement que la revue, qui lui consacre onze pleines pages!
Si l’on fait abstraction de la platine ED3 et des autres sources que l’on peut lui raccorder, elle ne compte pas moins de sept éléments:

  • Un préampli PR916
  • Un filtre FA2
  • Trois amplis stereos rassemblés en un boitier de multiamplification A 506
  • et deux enceintes G150.

Le préampli présente quelques particularités typiques des conceptions Audiotec:

  • Réglage fin de la tension d’alimentation pour « coller » au secteur à 10 volts près et éviter toute perte de puissance ou surtension.
  • Potentiomètre de volume en bout d’étage
  • Utilisation de prises DIN sur les entrées magnétophone et de connecteurs mini-jacks, jugées supérieurs aux RCA pour les autres.
  • Etalonnage des réglages de balance et tonalité pour que la position médiane corresponde bien à une action nulle.

Le filtre actif est à fréquences fixes et alimenté par le bloc d’amplification, ce qui interdit pratiquement son usage hors la chaîne G150. Il comporte une possibilité d’accentuation du bas médium.

Les trois amplificateurs de chaque bloc A506 ne diffèrent que par leur puissance, fixée à 70W pour la voie grave et 55W pour chacune des deux autres. Ils reprennent le montage déjà connu sur les modèles précédents d’Audiotec, avec transistors PNP et NPN rigoureusement complémentaires et alimentation par transfos double C.

Quant aux G150, elles présentent plusieurs originalités, outre l’entière séparation des voies du fait de la triamplification avec coupures à 600 et 5000Hz:

  • Utilisation comme transducteur de basses d’un couplage de HP de 25cm montés en « push pull » avec leurs concavités en vis à vis. Les HP, alimentés en phase, emprisonnent ainsi entre leurs membranes un volume d’air clos, ce qui symétrise leurs déplacements, réduit leurs distorsions et abaisse leur fréquence de résonance. Ce couplage est chargé par un coffret clos de 30×30, profond de 58cm.
  • Utilisation de coffrets/boitiers séparés pour les voies médium et aigu, utilisant des transducteurs à dôme de respectivement 50 et 25mm, ces boitiers étant décalés jusqu’à l’extrémité arrière du « caisson » de basses (soit d’une distance horizontale d’une cinquantaine de centimètres) pour assurer une mise en phase correcte sur tout type de signal et pas seulement en régime sinusoidal.

Les mesures effectuées par le labo de la revue révèlent une qualité d’électronique proprement ahurissante dans tous les domaines:

  • 3Hz à 220 kHz dans un dB pour le préampli
  • 93dB (Pondéré A) de rapport signal/bruit sur l’entrée phono, ce qui doit constituer un record absolu, et 100dB sur le haut niveau.
  • Moins de 0,01% d’intermodulation sur le préampli et de 0,05% quel que soit le régime sur l’ampli
  • remarquable restitution des signaux carrés avec un temps de montée de 3,3 sur créneau de …50V!


Et l’écoute? Ne relevons que la conclusion de J.C. Barnsley, heureusement plus tranchée que les jugements timorés entre-temps à la mode :
« Nous sommes devant l’un des deux ou trois meilleurs systèmes de reproduction au monde à l’heure actuelle »

Et ceci pour une prix total, platine comprise, de moins de 16.000 F en 1980 !